La sobriété c’est quoi ?

En juillet, au coeur de la chaleur estivale, j’avais en tête la sobriété comme nouveau sujet d’article pour le blog. Un terme en réalité ancien qui laisse songeur et que nous sommes en train de redécouvrir à l’aune du contexte planétaire actuel. Ce mot est devenu, plus que jamais en cette rentrée, présent dans le langage politique. Galvaudé, presque incontournable, il m’a paru intéressant de tenter de le définir à l’aide d’augustes éclairages.
D’où vient la sobriété ?
La notion de sobriété est une notion apparue dans l’Antiquité. Dans la société de la Grèce Antique par exemple, la tempérance était reconnue comme une vertu, on se méfiait ainsi des excès, de l’outrance et de la démesure qu’on dénommait hubris et qui menait à la folie ceux qui dépassaient la mesure. Aristote notamment considérait que l’excellence humaine était une médiété, une juste mesure qu’il appartenait à l’homme de réaliser en lui-même et dans ses relations.
Sur le plan étymologique, elle est de la même famille que le mot « ébriété » (en latin « ebrius » veut dire « ivre », on devine donc aisément le sens privatif du préfixe « so »).

Au 13e siècle, le philosophe et théologien St Thomas d’Aquin déclarait sur la sobriété : « L’usage du vin est affaire de modération, la sobriété n’est pas une abstinence, c’est la mesure de cette boisson délicieuse. »
Déjà à ce stade, sans même parler d’écologie, la sobriété constitue une véritable valeur humaine éthique et qui, si on la pratique engendre sinon le bonheur un mieux-être.
Une affaire collective
Outre l’accomplissement individuel, le changement climatique et les différentes alertes sociétales ont mis à jour les « limites planétaires ». En effet, nous avons pris conscience par exemple que les ressources naturelles n’étaient pas inépuisables, qu’il fallait du temps à un écosystème pour se régénérer (ex : il ne faut pas moins de 450 ans pour qu’une bouteille en plastique se décompose) et que l’empreinte de certaines activités humaines n’était pas sans conséquences sur la biodiversité (qui constitue notre garde-manger et contribue à nous fournir un climat acceptable). Ces éléments nous amènent à réfléchir à de nouveaux modes de production et de consommation pour garantir un avenir durable pour la vie sur Terre. Afin de respecter cette limite planétaire, la sobriété est donc aujourd’hui aussi une affaire collective.
La sobriété à notre époque c’est…
- Réduire son empreinte carbone
« Tout ce qu’on peut faire à titre individuel et collectif pour changer nos comportements et nos choix afin de réduire la quantité d’énergie nécessaire pour satisfaire nos besoins de base » Dominique Bourg, philosophe franco-suisse (podcast france inter https://www.youtube.com/watch?v=7unqeheGc4U&t=499s)
2. L’auto limitation, comme suggérée par les sages de l’Antiquité : faire moins mais mieux.
Le moins : on peut donc tendre vers « moins » d’équipements ou de produits matériels ou encore moins de déplacements.
Le mieux : réside en une consommation de biens ou de services de meilleure qualité c’est-à-dire ayant moins d’impact sur l’environnement. Exemple : un produit plus durable, qu’on va donc conserver plus longtemps et qui va éviter de devenir un nouveau déchet.
Les obstacles à la sobriété et des solutions
- Notre modèle de société basé sur la consommation : c’est difficile de réduire sa consommation car consommer c’est non seulement dans nos habitudes (présenté auparavant comme un progrès de l’humanité) mais de plus cela nous définit comme le chantaient Souchon dans Foule Sentimentale ou encore Goldman, il y a 20 ans déjà :

- En achetant tel ou tel bien, plus ou moins consciemment on se rattache à la classe de la société à laquelle on aspire nous disent les sociologues (que disent tes achats de toi : bobo ? bourgeois ? écolo ? sportif ? modeuse ? super orthophoniste ?). Le problème c’est que c’est sans fin : pour nous cela peut occasionner des envies ou des frustrations permanentes et pour la planète qui possède ses propres limites, cette idée de ressources/déchets infinis est incompatible.
- La publicité qui est omniprésente, jalonne notre environnement et qui crée chez nous des tentations, des manques artificiels, de l’insatisfaction.
Pour contrer cela, il est possible de :
– Trouver son équilibre en se mettant à distance de tentations absurdes ou inutiles pour soi
– Cibler ses besoins : apprendre à distinguer nos besoins de nos envies ou encore ce qui nous semble essentiel de ce qui est superflus va permettre de tendre naturellement vers ce mode de consommation. J’en reviens invariablement à la méthode B.I.S.O.U. de mon côté
–Trier ou inventorier ses propres biens : un bon moyen d’être au clair sur nos besoins réels et de partir de ce que l’on a déjà à sa disposition.
- Les actions à grande échelle à réaliser par les Etats et les collectivités : nous ne pouvons pas agir individuellement sur les réseaux de transports en commun, les aménagements de territoire, les politiques de gestion d’entreprises…mais nous pouvons faire notre part et ouvrir la voie dans la mesure de nos possibilités. Et puis, si nous sommes libéraux, nous pouvons agir en tant que petite entreprise.
Pourquoi sobriété peut rimer avec prospérité
Tendre vers la sobriété, c’est tendre vers l’amélioration de la qualité de vie disent les spécialistes de la question. Autrement dit, c’est gagner : de l’argent, de la sérénité et du temps pour vous (et ça on sait que ça n’a pas de prix).

Quelques exemples concrets pour illustrer ce propos :
- Si nous parvenons à distinguer nos besoins réels du superflu, on se concentre sur l’essentiel et donc on achète/consomme moins => gain financier
- Consommer cela prend du temps. Qui n’a jamais passé du temps à choisir quoi acheter, rechercher des informations, comparer les prix, faire la queue dans les magasins aux heures d’affluence, voire errer sur les sites marchands parfois même sans but ? Et quand on veut consommer, il faut de l’argent et donc du temps de travail associé… Si on joue sur ce levier, on peut récupérer le temps qui était passé à consommer pour du temps pour nous.
Le lien entre temps et consommation
L’économiste américain Gary Becker (Prix Nobel d’économie en 1992) a le premier conçu et modélisé l’association entre coût du bien et coût du temps et montré que notre satisfaction dépend de cette combinaison.
Il y a ainsi les biens intensifs en temps de consommation et d’autres non : ex : le mouchoir en tissu versus le paquet de mouchoirs jetables qui pour un usage voire prix similaire n’ont pas le même temps de consommation.
Et il y a aussi des temps d’activités faiblement intensifs en biens nécessaires à acheter : s’occuper des enfants, passer des moments entre amis, agir dans une association, jouer de la musique (bon, il est certain que jouer du ukulélé vous coûtera moins cher que le piano à queue), faire des jeux de société…
Ce lien entre temps et consommation permet d’envisager de gagner en sobriété de deux façons :
- en modifiant notre emploi du temps en optant pour des activités de faible consommation
- en réorientant notre consommation vers des biens « temps-intensifs » notamment les biens « durables » qui ne s’usent pas ou très lentement et éloignent le moment de consommer à nouveau.
Conclusion
La sobriété n’est pas l’austérité. Elle ne correspond pas à des privations à court terme : c’est un concept ancien proche d’un art de vivre dont la finalité est le confort de vie. La sobriété, c’est aussi tout un modèle à revoir de façon collective et individuelle. Cela ne va pas de soi, elle se cultive pas à pas.
Heureusement, beaucoup de pistes existent pour se faire la main petit à petit et la promesse d’une meilleure qualité de vie est porteuse de motivation !
En passant à la pratique, beaucoup d’initiatives inspirantes émergent et démontrent que la sobriété est aussi affaire de créativité, d’innovation et de solidarité y compris dans le domaine de l’orthophonie.
En témoignent les nombreux groupes ou pages de partages d’astuces, de matériels, d’organisation professionnelle.
Je vous laisse avec le témoignage de sobriété joyeuse et créative d’Hubert Motte, Fondateur de La vie est Belt (marque de mode engagée) : https://usbeketrica.com/fr/article/la-sobriete-est-une-notion-joyeuse-qui-pousse-a-la-creativite
Merci de m’avoir lue !
Sources :
Guillard, V. (2022, 1 octobre). « L’usage actuel du mot sobriété provoque la plus grande confusion » . Le Monde.fr. Consulté le 2 octobre 2022, à l’adresse https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/01/l-usage-actuel-du-mot-sobriete-provoque-la-plus-grande-confusion_6144016_3232.html
Lair, N. & Vautier-Chollet, M. (2022, 20 septembre). « Chauffer à 16° » , « rouler moins vite » : les petits et grands gestes de 30 Français pour plus de sobriété. France Inter. Consulté le 30 septembre 2022, à l’adresse https://www.radiofrance.fr/franceinter/chauffer-a-160-rouler-moins-vite-les-petits-et-grands-gestes-de-30-francais-pour-plus-de-sobriete-6134670
Legry, A. P. (2022, 9 septembre). Pourquoi redécouvrir la sobriété est essentiel. Aleteia. Consulté le 30 septembre 2022, à l’adresse https://fr.aleteia.org/2022/09/10/pourquoi-redecouvrir-la-sobriete-est-essentiel/
Lévêque, F. (2022, 10 septembre). « Le lien indéfectible entre le temps et la consommation permet d’envisager de gagner en sobriété de deux façons » . Le Monde.fr. Consulté le 30 septembre 2022, à l’adresse https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/10/le-lien-indefectible-entre-le-temps-et-la-consommation-permet-d-envisager-de-gagner-en-sobriete-de-deux-facons_6141039_3232.html
Rabhi, P. & Ricard, M. (2021, 6 octobre). Vers la sobriété heureuse : Nouvelle édition. ACTES SUD.
Sobriété, est-ce le bon terme ? (2022, 21 septembre). France Inter. Consulté le 30 septembre 2022, à l’adresse https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sciences-et-ecologie/sobriete-est-ce-le-bon-terme-8000319
undefined [France Inter]. (2022, août 12). Dominique Bourg : « La sobriété, ce n’est pas vivre plus mal, c’est apprendre à vivre mieux » . YouTube. Consulté le 30 septembre 2022, à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=7unqeheGc4U&t=499s
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