Les Maisons de Vincent : un projet innovant qui allie autisme, lieux de vie et agroécologie

Si vous êtes orthophoniste et que vous lisez cet article, vous connaissez sans doute bien les difficultés d’insertion que peuvent rencontrer personnes atteintes de Trouble du Spectre de l’Autisme et le manque de place en structure adaptée, parfois même le désarroi des familles. Si vous suivez ces patients, vous aimeriez sans nul doute aussi les voir s’épanouir de façon autonome et valorisés dans leurs compétences.
Le mois dernier, j’ai découvert l’association « Les maisons de Vincent ». Cette association développe un projet innovant : déployer des lieux de vie à destination des personnes atteintes de TSA en lien avec l’agroécologie. L’orthophoniste que je suis a tout de suite été touchée et j’ai voulu en savoir plus.
Le premier ouvrira très prochainement dans la commune de Mers-Les-Bains (département de la Somme). Deux autres sites sont actuellement identifiés pour l’ouverture de prochains lieux : à Lesperon, dans les Landes, et près d’Avranches en Normandie.
J’ai eu la chance de pouvoir m’entretenir avec Maud Astruc-Periat, l’une des membres de l’association, chargée de développement – Autisme & Environnement , qui a bien voulu répondre à mes questions. Voici notre entretien :
1) Pouvez-vous présenter l’association les Maisons de Vincent ?

« L’association Les Maisons de Vincent a été créée à l’initiative d’Hélène Médigue, sa présidente. L’association souhaite déployer plusieurs lieux de vie et d’accueil pour adultes atteints de Troubles du Spectre de l’Autisme, en lien avec l’agriculture agroécologique.
L’association souhaite proposer des modalités d’accompagnement qui permettent à la personne autiste d’être stimulée pour s’épanouir et développer tous ses potentiels. Les Maisons de Vincent se présentent, de plus, comme une alternative aux solutions d’hébergement proposées actuellement aux adultes autistes en France et une réponse au nombre important de personnes sans solution d’hébergement. C’est dans ce contexte d’urgence social qu’Hélène Médigue crée l’association en mars 2019.
Les Maisons de Vincent se situent à la croisée de deux combats, celui d’une digne inclusion des adultes autistes dans notre société et celui de l’agroécologie comme réponse au besoin d’engager une transition écologique par une agriculture qui s’appuie sur la biodiversité et la protège. »
2) A qui s’adresse-t-elle?
« Aux familles de personnes atteintes de TSA. A toute personne qui partage nos valeurs tant au niveau social qu’environnemental. »
3) Quels sont les professionnels recrutés et/ou bénévoles de l’association?
« S’agissant de nos Maisons, un couple de permanents du lieu, garantira le bon déroulement de la vie quotidienne. L’équipe médico-sociale, composée d’un éducateur spécialisé, un moniteur-éducateur, un accompagnant éducatif et social et deux veilleurs de nuit, organisera à partir des projets individualisés de chaque résident, un accompagnement éducatif permanent et de qualité. Un psychologue interviendra une demi-journée par semaine pour assurer le suivi thérapeutique des résidents.
S’agissant de l’association, un directeur opérationnel assure un rôle d’ingénierie de projet et de développement des Maisons de Vincent et l’autorité hiérarchique, fonctionnelle et pénale des lieux de vie. Une chargée de développement assure la communication, l’animation de réseau et le développement de relations partenariales. Enfin, la fondatrice et Présidente, pilote tous les projets de l’association. Il n’y a pour le moment aucun bénévole. «
4) Quels partenariats avez-vous pu mettre en place?
« Voici nos 3 principaux partenariats :
- La Fondation Jean-Noël Thorel met à notre disposition la Maison de Mers-les-Bains, (600 m2), en Baie de Somme, et prend en charge ses travaux ainsi que l’aménagement adapté aux TSA.
- Eric Dailey (président de Le tanneur) met à notre disposition l’autre Maison (600 m2) à Lesperon, dans les Landes et apporte un financement pour les aménagements.
- Stéphane Ledentu, donateur au titre de sa société SLB, a fait un don à l’association sur l’année 2020 pour le développement des projets liés à l’agroécologie. »
5) Comment fonctionne l’association ?
« Le premier lieu de vie et d’accueil ouvrira dans la commune de Mers-les-Bains, dans le département de la Somme, fin février prochain. La Jean-Noël Thorel Foundation met à notre disposition la Maison et finance les travaux. A Lesperon, dans les Landes, Eric Dailey, directeur général de la société le Tanneur et Cie, met à notre disposition son domaine qui abrite la deuxième Maison dont l’ouverture est prévue pour 2021. Trois autres sites sont en cours d’identification pour l’ouvertures de prochains lieux : de nouveau dans les Hauts de France, en Normandie et dans les Bouches du Rhône.

La fondatrice se déplace elle-même pour les visites des lieux et pour constater leur adaptabilité aux besoins spécifiques des personnes atteintes de TSA. »
6) Comment se passe l’admission et le suivi (médical, professionnel…) des personnes résidentes ?
« Les personnes accueillies sont des adultes avec des troubles du spectre de l’autisme qui possèdent une mobilité physique suffisante pour pouvoir prendre part au projet de l’établissement. Les TSA recouvrent des situations diverses et engendrent des situations de handicap multiples. Par conséquent, la procédure d’admission au sein du lieu de vie et d’accueil fera l’objet d’une évaluation de l’adaptabilité du dispositif aux besoins propres de la personne. Cette démarche sera effectuée par l’équipe éducative et thérapeutique, en lien avec la personne et son entourage ainsi que les professionnels accompagnant la personne au moment de la demande d’admission, le cas échéant.
L’ensemble des actes de la vie quotidienne et des actes relevant du « prendre soin » permettent de développer l’autonomie des personnes accueillies en favorisant le maintien et le développement des acquis de chacun. L’équipe éducative de la Maison propose donc des aides adaptées au degré d’autonomie et aux besoins individuels de chacun des résidents. L’autonomie de la personne est recherchée dans chacun des actes de la vie quotidienne.
Des partenariats seront développés pour permettre l’accès aux soins des résidents de la Maison. Des collaborations étroites avec les cabinets infirmiers, médecins généralistes, psychiatres libéraux, kinésithérapeutes et autres professionnels spécialisés permettront la prise en charge des besoins des habitants. Une salle est dédiée, dans la Maison, pour l’ensemble des prises en charge et consultations selon les besoins des résidents. «
7) Quelles sont les particularités des logements ?
» Tous les espaces des logements seront aménagés de manière à faciliter le quotidien des résidents. La luminosité, l’acoustique, les couleurs, les matériaux, le choix et le positionnement des meubles seront adaptés aux fonctionnements sensoriels spécifique à l’autisme. Ces aménagements viseront à favoriser le bien être des personnes et réduire les troubles de comportement. Le lieu respectera l’ensemble des normes de sécurité nécessaires, tout en conservant l’atmosphère chaleureuse d’un foyer. Nous souhaitons que, dès leur arrivée, les personnes accueillies puissent se sentir chez elles, ce à quoi contribuera l’adoption d’un chien à la Maison.
L’ensemble de la Maison sera pensé pour créer un réel vivre ensemble. Ses espaces seront organisés pour que ses habitants puissent s’isoler, si nécessaire, sans se retirer. Des espaces communs (salon, salle à manger, salle de jeux et d’activités) faciliteront le lien social entre les habitants de la Maison. Chaque résident aura une chambre indépendante, personnalisée, agréable et attenante à une salle de bain et des WC individuels. Tous disposeront d’une clé de leur chambre et leur propre boite aux lettres, afin de renforcer leur autonomie. »
8) Pourquoi avoir opté pour l’agro écologie ?
» Hélène Médigue, fondatrice de l’association, est sensibilisée à la cause environnementale depuis des années. Elle a d’ailleurs réalisé le film « On a 20 ans pour changer le monde » qui met en lumière ce système agricole. Il s’insurge contre le mode de production actuel et suit des hommes et des femmes qui démontrent que l’on peut se passer des pesticides et des intrants chimiques pour toute notre alimentation.
Concernant l’association, son souhait est que les résidents des Maisons de Vincent soient pleinement impliqués dans la transition écologique au travers d’activités en lien avec les agriculteurs locaux. L’objectif étant de permettre aux résidents d’accéder à des activités variées, en lien avec les acteurs du territoire. La production et/ou valorisation de la production selon les principes de l’agroécologie et de la permaculture est centrale au projet. A Mers-les-Bains, l’insertion du lieu de vie et d’accueil dans un réseau de producteur locaux permettra le partage et la valorisation par la vente de produits de la ferme dans un lieu (épicerie) ouvert à la cité. Cette activité de maraîchage serait le socle pédagogique et thérapeutique du lieu d’accueil, permettant, notamment l’apprentissage des techniques de maraîchage-jardinage, la vente à la ferme, sur les marchés locaux et la réalisation au rythme des saisons de projets divers : accueil pédagogique, intergénérationnel, atelier de petites transformations (confitures, soupes, plantes médicinales…). Des études ont en effet démontré que les personnes autistes ont un sens inné et une grande réceptivité au fonctionnement de la nature. »
9) Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
« La partie administrative a été la plus délicate mais c’est dans l’ordre des choses lorsqu’on crée un dispositif innovant.
L’autre difficulté, cela va sans dire, est la crise sanitaire actuelle qui a largement ralenti le processus. Les chantiers d’une part, mais également notre communication et nos levées de fonds. Un grand gala de charité organisé en avril dernier a été annulé suite à la décision du premier confinement. «
10) Quel est votre objectif à court et à plus long terme ?
» Notre objectif est de dupliquer le modèle de la première Maison de Vincent dans la plupart des départements français, toujours en lien avec l’agro écologie. «

Le mot de la fin :
« Nous avons lancé, en décembre dernier, une campagne de financement participatif sur la plateforme BlueBees afin de soutenir tous nos projets liés à l’agroécologie. «
Une bonne nouvelle si vous souhaitez les soutenir : les dons sont en partie défiscalisés !
Je souhaite belle route et prospérité aux Maisons de Vincent, un projet qui allie, comme une évidence, l’humain et l’écologie.
Si ce projet vous a comme moi touché ou intéressé, n’hésitez pas à en parler, à partager.
Merci de m’avoir lue.
Liens utiles :

Le site de l’association : https://www.maisonsdevincent.com
Ecrire aux Maisons de Vincent : maisonsdevincent@gmail.com
Si vous souhaitez les soutenir : https://bluebees.fr/fr/project/696-maisons-de-vincent
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9 commentaires
Claire
C’est passionnant et tellement inspirant! Merci Aliénor pour cette découverte!!
Aliénor
Cela m’a fait exactement le même effet en découvrant ce projet. Ils ont besoin d’aide alors n’hésitez pas à partager si le coeur vous en dit 😉 Merci pour votre intérêt !
Campanella
Bonjour, je viens de découvrir ce nouveau lieu de vie et les futurs projet. Très belle initiative, mon fils de 20 ans est autiste avec d’efficience légère et je m’inquiète pour son futur.
Encore merci à l’association.
Aliénor
Merci pour votre commentaire. Effectivement c’est un beau projet porteur d’espoir pour les adultes autistes. N’hésitez pas à visiter le site de l’association pour plus de renseignements.
Myriam CARUSO
Mère d’un adulte de 36 ans, Terry, atteint d’un TSA sans déficience intellectuelle diagnostiqué à l’âge de 31 ans. Terry travaille en milieu ordinaire en tant qu’agent d’entretien de squares et cimetière au sein d’une collectivité territoriale. Il a un statut RQTH.
Terry a des interactions sociales parfois difficiles notamment avec toute personne représentant l’autorité. Il ne supporte pas l’injustice et défend des causes pleines de convictions. Terry aime la nature, plus particulièrement les arbres.
C’est aujourd’hui un homme attachant, formidable, doté d’une écoute active remarquable.
Il est démuni face à la gestion administrative, financière et médicale ; c’est la raison pour laquelle je suis sa curatrice depuis 8 ans.
Mon inquiétude se porte sur son futur, car je ne suis pas éternelle.
Votre concept est vraiment formidable; enfin des structures adaptées pour les personnes autistes adultes; des structures responsabilisantes, des structures valorisantes.
Juste bravo à vous.
Myriam et Terry.
Aliénor
Merci pour votre commentaire touchant. Je ne suis qu’une passeuse de relais dans le cas présent (je suis orthophoniste de formation), mais vous pouvez entrer en contact avec l’association si vous souhaitez plus d’informations ou simplement témoigner. Les intérêts de Terry que vous dépeignez semblent en tout cas proches des valeurs de ce projet.
Bien à vous,
Aliénor
Simon
Mon petit fils 29ans est en Belgique dans un institut. Pourrait il intégrer une maison de Vincent en Normandie!
Montet Sylvie
Bonjour, nous sommes de Charente-Maritime
J’ai vue l’émission sur France 2 ce jour, moi même maman d’un jeune homme de bientôt 35 ans ( un grand enfant),qui a un handicap mental important, et présente des troubles TSA mais non diagnostiqué, depuis tout petit il est allé dans les établissements spécialisés, mais a mon goût jamais adapté à son retard, vivent seule avec affectueusement (mon géant vert) 🙂 j’ai toujours menée mon combat, me sentent souvent seule,mal comprise, pas eguiller, pas soutenue. Il avait intégré un ESAT cela faisait 10 ans et un jour il a eu un probleme de comportement,( non violent) mais le psychiatre* de l’établissement n’a pas trouvé mieux, que de nous imposer un traitement.
Comme il disait* ( c’est pour son bien) et a ce moment j’ai eu l’impression que tout se dont pourquoi je m’étais battue s’écroulait. Et Depuis un 1 ans il est dans un foyer de vie où il fait vraiment peux de choses et s’isole beaucoup, je suis en colère et me sent démunie,par l’émission cela m’a fait chaud au cœur et me redonne un peu d’espoir pour mon loulou . ENFIN ! Et j’aspire de trouver un lieu comme « la maison de Vincent « où il pourrait vraiment s’épanouir . Et acquérir une meilleure autonomie .
🙏Merci
Sylvie et Christopher
COUTREY
Bonjour,
je suis la grand-mère d’une merveilleuse ado de 16 ans, qui a été diagnostiquée assez tôt, malgré un suivi en
IME elle est peu autonome et sa situation familiale est compliquée. Son papa est âgé de plus de 60 ans, il a l’autorité parentale exclusive, et la maman (ma fille) a coupé toute relation avec notre famille.
Je possède, en indivision avec mes 3 filles, une propriété rurale de 6000m2, comportant plusieurs bâtiments,
dont une grange du 17ème de 28m de long sur 10 de large, à aménager.
d’autre part, la sci familiale détient, à environ 600m un terrain boisé pour sa moitié, cultivé pour 1/4, le reste en jachère, le tout pour environ 3hectares.
j’ai 79 ans, pas de moyens financiers pour mettre en oeuvre un projet, et mes 3 filles et leurs enfants ont leur vie ailleurs. J’habite à mi-chemin sur la route LE MANS-ORLEANS. A vous lire